Les géants de la téléphonie mobile tremblent à l'idée de se retrouver en concurrence avec un service gratuit financé par la publicité.
13/10/2007 - BusinessWeek
Imaginez votre téléphone portable en petite machine marketing. Alors que vous vous dirigez vers votre voiture, après avoir dîné, une alerte SMS apparaît à l'écran, annonçant les films du soir à l'affiche du cinéma multiplex voisin. Vous choisissez le film dans lequel joue Jodie Foster, et une vidéo promo d'un film avec George Clooney est lancée. Ensuite, de nouveaux textes s'affichent et vous invitent à lancer le navigateur Web de votre téléphone afin de vous inciter à acheter les sonneries téléphone ou le fond d'écran du film.
Sur votre téléphone, ce type d'annonce publicitaire 24/7 (24 heures sur 24, 7 jours sur 7) pourrait devenir un cauchemar. Mais au-delà, que diriez-vous si vous pouviez déterminer les types de produits dont vous accepteriez la promotion ? Ou si, dans un aéroport éloigné, lors d'un retard de votre avion, vous receviez des SMS vous informant sur les meilleures offres hôtelières de la ville ? Que diriez-vous si vous n'étiez envahi par aucune publicité aléatoire d'assurances ou de compagnies aériennes, et pour couronner le tout, si vos minutes téléphoniques étaient gratuites ?
Pour les grosses sociétés de téléphonie mobile, ce serait le début d'un mauvais rêve. Cela va peut-être arriver, sous la forme d'un téléphone Google. Des analystes de l'industrie du sans-fil et des cadres marketing informés sur la stratégie Google déclarent que, depuis plusieurs mois, l'entreprise présente aux fabricants et aux opérateurs de réseau les prototypes d'un nouveau téléphone mobile. Ces plans sont restés top secret, mais Google devrait employer une société de la côte Pacifique, spécialisée dans le design et la fabrication de téléphone mobile, pour la réalisation d'un appareil conforme à ses spécifications. Google investirait alors son expertise sur les logiciels opérationnels et sur les applications "utilisateurs", déclare Paul Catalano, un associé du cabinet-conseil RelevantC Business Group (RCBG). La direction de Google reste muette sur ces téléphones, et les industriels ne s'attendent pas à en voir un avant le deuxième semestre 2008.
Pourtant, Google a clairement déclaré son intérêt pour le domaine du sans-fil. La société fait des expériences avec des réseaux 3G dans plusieurs villes des États-Unis. En août, le pdg Eric Schmidt a annoncé son intention de participer, au début de l'année prochaine, à la vente aux enchères fédérales de bandes passantes radio qui pourraient faciliter la mise en place d'un service téléphonique.
À ce jour, peu d'entreprises en Europe et aux États-Unis ont cherché à proposer des services reposant sur la publicité. La plupart d'entre elles, comme Virgin Mobile USA, ont un contrôle limité sur la distribution de publicités, car le service fonctionne sur un réseau loué à l'un des géants mondiaux du secteur. En fait, la publicité pourrait bien représenter à peine 1 % des revenus d'une société de téléphonie. Les clients sont encore peu enclins à recevoir des pubs sur leur téléphone. Les réseaux et les appareils mobiles commencent seulement à être suffisamment sophistiqués pour proposer des publicités en couleur et spécifiques à une région. De plus, Verizon, AT&T, et T-Mobile n'ont aucun intérêt à abandonner leurs confortables tarifs.
Cette équation ne fonctionne plus si l'on associe le poids financier de Google à une capacité très sophistiquée de cibler des publicités pour des clients spécifiques. "Le jour vient où les utilisateurs de téléphones portables vont vivre un scénario jusque-là inimaginable : recevoir des publicités adaptées à leur comportement individuel, à ce qu'ils font et au lieu où ils sont", déclare Linda Barrabee, analyste du secteur sans fil de la société d'étude Yankee Group.
Des milliards d'yeux
Google et les publicitaires salivent face au potentiel de croissance du secteur sans fil. Avec plus de 2,5 milliards d'unités dans le monde, le nombre de téléphones portables utilisés dépasse celui des ordinateurs et télés combinés. Le 17 septembre, Google a mis en service un site Web pour les publicitaires qui ont créé des vidéos destinées aux mobiles et autres appareils portatifs. Le réseau publicitaire en ligne, AdSense for Mobile de Google, distribue avec pertinence ces publicités aux utilisateurs de mobiles susceptibles d'être intéressés par les produits des annonceurs. "Le simple volume d'utilisateurs à travers le monde fait du mobile la prochaine chaîne d'informations", déclare Dilip Venkatachari, directeur de la gestion produit pour l'équipe Google de téléphonie mobile.
Alors, pourquoi s'arrêter là ? La stratégie publicitaire en ligne de Google a toujours été d'aider les publicitaires à cibler leurs annonces, afin qu'ils soient en totale adéquation avec les centres d'intérêt des utilisateurs. Employer des technologies qui calculent où sont les appelants et vers où ils se dirigent, cela augmente les prix de la publicité de 50 %, d'après des études de RCBG.
Un certain nombre de stratégies existantes, déjà développées par de petites sociétés, offrent un aperçu de la manière dont Google pourrait jouer de ses atouts dans le secteur du téléphone portable, une fois toutes les cartes distribuées. Depuis le 24 septembre, Blyk, une start-up du secteur sans fil qui a débuté en Grande-Bretagne, propose appels et SMS gratuits pour des utilisateurs de portables, âgés de 16 à 24 ans, qui ont donné leur autorisation pour que des sociétés comme L'Oréal, McDonald's et Coca-Cola leur envoient de la publicité par SMS. Blyk loue un espace sur le réseau de l'opérateur Orange, en Grande-Bretagne, mais il gère son propre système de facturation et de marketing. Cela lui permet de garder le contrôle des précieuses informations sur les clients, et lui évite de partager les revenus publicitaires avec l'opérateur. Les utilisateurs remplissent un questionnaire d'information détaillé sur leur style de vie, leurs centres d'intérêt et leurs marques préférées. Ceux qui acceptent de recevoir des publicités personnalisées obtiennent 43 minutes de communication gratuite et 217 SMS gratuits.
Aux USA, un service de Virgin Mobile, appelé Sugar Mama, propose aux clients des minutes gratuites en échange de publicités personnalisées. En août, plus de 425 000 personnes s'étaient abonnées à ce service. Les utilisateurs choisissent de recevoir de la publicité sous forme de tests et de jeux envoyés sur leur téléphone plusieurs fois par semaine. Jouez à ces jeux, et vous gagnez des minutes.
Les grands opérateurs de téléphonie mobile affichent déjà sur leurs portails Web des annonces publicitaires de sociétés comme Avis ou Discovery Channel. Mais ne croyez pas que les géants de la téléphonie changeront leur modèle commercial si ce n'est pas nécessaire. Un porte-parole de Verizon déclare que le jeu ne vaut pas la chandelle : le chiffre d'affaires en dollars de la publicité ne fait pas le poids face au coût de la perte des clients mécontents des publicités qu'ils reçoivent sur leur portable. Le vice-président responsable des données clients de AT&T Mobility, Mark Collins, déclare : "Nous ne croyons pas en un monde où vous devez tout donner, gratuitement."
Google fonctionne exactement à l'inverse. Via une recherche Google par exemple, un publicitaire peut apprendre qu'un utilisateur est à la boulangerie du coin à Chicago. Cela lui permet alors de découvrir que le client aime les pâtisseries. Les opérateurs sans fil ont eux aussi des informations sur leurs clients, mais "ils ne sont pas un entrepôt de données comme l'est Google", explique Richard Siber, directeur de SiberConsulting.
Si la société Google se décide à engager les 4,6 milliards de dollars US (3,3 milliards d'euros) sans doute nécessaires pour remporter les enchères fédérales, c'est parce qu'elle a besoin d'une bande passante téléphonique. Les analystes spéculent ensuite sur plusieurs options. Soit elle continue son expansion dans le domaine de la large bande, soit elle achète un opérateur sans fil, comme Sprint Nextel. Elle pourra alors lancer le premier service national, gratuit (payé par la publicité). "Google est le premier joueur à s'asseoir à la table de jeu avec autant de capitaux que les opérateurs", déclare John du Pre Gauntt, analyste du secteur des téléphones portables pour la société de recherche eMarketer. "En intervenant sur le secteur du sans fil, Google a bouleversé la perception qu'on avait de cette activité économique."
© BusinessWeek
Sur votre téléphone, ce type d'annonce publicitaire 24/7 (24 heures sur 24, 7 jours sur 7) pourrait devenir un cauchemar. Mais au-delà, que diriez-vous si vous pouviez déterminer les types de produits dont vous accepteriez la promotion ? Ou si, dans un aéroport éloigné, lors d'un retard de votre avion, vous receviez des SMS vous informant sur les meilleures offres hôtelières de la ville ? Que diriez-vous si vous n'étiez envahi par aucune publicité aléatoire d'assurances ou de compagnies aériennes, et pour couronner le tout, si vos minutes téléphoniques étaient gratuites ?
Pour les grosses sociétés de téléphonie mobile, ce serait le début d'un mauvais rêve. Cela va peut-être arriver, sous la forme d'un téléphone Google. Des analystes de l'industrie du sans-fil et des cadres marketing informés sur la stratégie Google déclarent que, depuis plusieurs mois, l'entreprise présente aux fabricants et aux opérateurs de réseau les prototypes d'un nouveau téléphone mobile. Ces plans sont restés top secret, mais Google devrait employer une société de la côte Pacifique, spécialisée dans le design et la fabrication de téléphone mobile, pour la réalisation d'un appareil conforme à ses spécifications. Google investirait alors son expertise sur les logiciels opérationnels et sur les applications "utilisateurs", déclare Paul Catalano, un associé du cabinet-conseil RelevantC Business Group (RCBG). La direction de Google reste muette sur ces téléphones, et les industriels ne s'attendent pas à en voir un avant le deuxième semestre 2008.
Pourtant, Google a clairement déclaré son intérêt pour le domaine du sans-fil. La société fait des expériences avec des réseaux 3G dans plusieurs villes des États-Unis. En août, le pdg Eric Schmidt a annoncé son intention de participer, au début de l'année prochaine, à la vente aux enchères fédérales de bandes passantes radio qui pourraient faciliter la mise en place d'un service téléphonique.
À ce jour, peu d'entreprises en Europe et aux États-Unis ont cherché à proposer des services reposant sur la publicité. La plupart d'entre elles, comme Virgin Mobile USA, ont un contrôle limité sur la distribution de publicités, car le service fonctionne sur un réseau loué à l'un des géants mondiaux du secteur. En fait, la publicité pourrait bien représenter à peine 1 % des revenus d'une société de téléphonie. Les clients sont encore peu enclins à recevoir des pubs sur leur téléphone. Les réseaux et les appareils mobiles commencent seulement à être suffisamment sophistiqués pour proposer des publicités en couleur et spécifiques à une région. De plus, Verizon, AT&T, et T-Mobile n'ont aucun intérêt à abandonner leurs confortables tarifs.
Cette équation ne fonctionne plus si l'on associe le poids financier de Google à une capacité très sophistiquée de cibler des publicités pour des clients spécifiques. "Le jour vient où les utilisateurs de téléphones portables vont vivre un scénario jusque-là inimaginable : recevoir des publicités adaptées à leur comportement individuel, à ce qu'ils font et au lieu où ils sont", déclare Linda Barrabee, analyste du secteur sans fil de la société d'étude Yankee Group.
Des milliards d'yeux
Google et les publicitaires salivent face au potentiel de croissance du secteur sans fil. Avec plus de 2,5 milliards d'unités dans le monde, le nombre de téléphones portables utilisés dépasse celui des ordinateurs et télés combinés. Le 17 septembre, Google a mis en service un site Web pour les publicitaires qui ont créé des vidéos destinées aux mobiles et autres appareils portatifs. Le réseau publicitaire en ligne, AdSense for Mobile de Google, distribue avec pertinence ces publicités aux utilisateurs de mobiles susceptibles d'être intéressés par les produits des annonceurs. "Le simple volume d'utilisateurs à travers le monde fait du mobile la prochaine chaîne d'informations", déclare Dilip Venkatachari, directeur de la gestion produit pour l'équipe Google de téléphonie mobile.
Alors, pourquoi s'arrêter là ? La stratégie publicitaire en ligne de Google a toujours été d'aider les publicitaires à cibler leurs annonces, afin qu'ils soient en totale adéquation avec les centres d'intérêt des utilisateurs. Employer des technologies qui calculent où sont les appelants et vers où ils se dirigent, cela augmente les prix de la publicité de 50 %, d'après des études de RCBG.
Un certain nombre de stratégies existantes, déjà développées par de petites sociétés, offrent un aperçu de la manière dont Google pourrait jouer de ses atouts dans le secteur du téléphone portable, une fois toutes les cartes distribuées. Depuis le 24 septembre, Blyk, une start-up du secteur sans fil qui a débuté en Grande-Bretagne, propose appels et SMS gratuits pour des utilisateurs de portables, âgés de 16 à 24 ans, qui ont donné leur autorisation pour que des sociétés comme L'Oréal, McDonald's et Coca-Cola leur envoient de la publicité par SMS. Blyk loue un espace sur le réseau de l'opérateur Orange, en Grande-Bretagne, mais il gère son propre système de facturation et de marketing. Cela lui permet de garder le contrôle des précieuses informations sur les clients, et lui évite de partager les revenus publicitaires avec l'opérateur. Les utilisateurs remplissent un questionnaire d'information détaillé sur leur style de vie, leurs centres d'intérêt et leurs marques préférées. Ceux qui acceptent de recevoir des publicités personnalisées obtiennent 43 minutes de communication gratuite et 217 SMS gratuits.
Aux USA, un service de Virgin Mobile, appelé Sugar Mama, propose aux clients des minutes gratuites en échange de publicités personnalisées. En août, plus de 425 000 personnes s'étaient abonnées à ce service. Les utilisateurs choisissent de recevoir de la publicité sous forme de tests et de jeux envoyés sur leur téléphone plusieurs fois par semaine. Jouez à ces jeux, et vous gagnez des minutes.
Les grands opérateurs de téléphonie mobile affichent déjà sur leurs portails Web des annonces publicitaires de sociétés comme Avis ou Discovery Channel. Mais ne croyez pas que les géants de la téléphonie changeront leur modèle commercial si ce n'est pas nécessaire. Un porte-parole de Verizon déclare que le jeu ne vaut pas la chandelle : le chiffre d'affaires en dollars de la publicité ne fait pas le poids face au coût de la perte des clients mécontents des publicités qu'ils reçoivent sur leur portable. Le vice-président responsable des données clients de AT&T Mobility, Mark Collins, déclare : "Nous ne croyons pas en un monde où vous devez tout donner, gratuitement."
Google fonctionne exactement à l'inverse. Via une recherche Google par exemple, un publicitaire peut apprendre qu'un utilisateur est à la boulangerie du coin à Chicago. Cela lui permet alors de découvrir que le client aime les pâtisseries. Les opérateurs sans fil ont eux aussi des informations sur leurs clients, mais "ils ne sont pas un entrepôt de données comme l'est Google", explique Richard Siber, directeur de SiberConsulting.
Si la société Google se décide à engager les 4,6 milliards de dollars US (3,3 milliards d'euros) sans doute nécessaires pour remporter les enchères fédérales, c'est parce qu'elle a besoin d'une bande passante téléphonique. Les analystes spéculent ensuite sur plusieurs options. Soit elle continue son expansion dans le domaine de la large bande, soit elle achète un opérateur sans fil, comme Sprint Nextel. Elle pourra alors lancer le premier service national, gratuit (payé par la publicité). "Google est le premier joueur à s'asseoir à la table de jeu avec autant de capitaux que les opérateurs", déclare John du Pre Gauntt, analyste du secteur des téléphones portables pour la société de recherche eMarketer. "En intervenant sur le secteur du sans fil, Google a bouleversé la perception qu'on avait de cette activité économique."
© BusinessWeek