Baisse continue des ventes et du nombre de lecteurs, système de distribution archaïque, prix des journaux beaucoup trop élevés... Ce n'est pas un scoop : la presse quotidienne française est un secteur sinistré. Les quotidiens nationaux, notamment, sont sur le fil du rasoir incapables de gagner de l'argent. Une situation typiquement française puisque ailleurs en Europe, la presse s'en sort mieux...
Comment sortir de l'ornière ? Faire payer les FAI et donc les internautes ? C'est l'idée du journal Libération, un des plus touché par la crise. Laurent Joffrin, son rédacteur en chef, propose donc que les fournisseurs d'accès Internet acceptent d'augmenter légèrement leurs tarifs. Ce surplus serait versé aux éditeurs de presse et à leurs sites Internet. Concrètement, il s'agirait d'une licence globale appliquée à la presse servant à payer le fait de lire gratuitement des infos sur la Toile...
Licence globale
Dans une interview à Challenges, Nathalie Collin, co-directrice du directoire de Libération donne plus de détails : "Le problème, c'est que le chiffre d'affaires de la presse quotidienne a perdu 26% entre 2000 et 2007. Or l'information est le deuxième motif de fréquentation d'Internet, après les services (trafic routier, météo...) et avant la banque. Cette contribution répondrait donc à l'intérêt commun des internautes (qui ne paieraient pas plus cher), des entreprises de presse et des fournisseurs d'accès qui ont intérêt à ce que survivent leurs fournisseurs d'informations".
Et de poursuivre : "Par ailleurs, les marges de la presse oscillent en moyenne entre 0 et 2% quand Orange affiche 19,4% de marge opérationnelle en 2008. Orange sait acheter du contenu, l'entreprise peut acquérir un match de foot en exclusivité pour 203 millions d'euros. Je rappelle que la presse pèse 800 millions d'euros de chiffre d'affaires contre 42 milliards d'euros pour les télécoms. (...) La fragilisation des journaux menace un pilier de la démocratie. Les journalistes ne se rendent pas compte du danger qui pèse sur la presse. Des journaux ferment aux Etats-Unis".
On peut néanmoins se poser la question de la répartition de cette taxe, le risque d'une mainmise par les géants des médias est forte puisqu'elle serait répartie en fonction de la taille des rédactions. Et les pure-players de la presse en ligne ? Ils ne seraient pas concernés par cette taxe. Ne faisons-nous pas le même métier ? Pour Libé, la presse en ligne semble se limiter aux sites des grands titres parisiens ! J'oubliais en effet que nous, les journalistes Web sommes des "soutiers de l'info"...
Problème parisien
Que la presse quotidienne nationale ne soit jamais parvenue à mettre en place un modèle économique viable (contrairement à la presse régionale), qu'elle ait raté le virage du numérique, c'est une chose, mais déshabiller Paul pour habiller Jacques n'a jamais été une solution pertinente...
Rappelons que les FAI, et donc indirectement les internautes, financent déjà à travers des taxes le cinéma, la création audio-visuelle et l'arrêt de la publicité sur le service public. Et si l'information est en effet gratuite sur le Web, les grands journaux qui exploitent des sites génèrent des revenus publicitaires importants (comme Le Monde par exemple).
Comme l'Industrie du disque, qui voit dans l'Internaute la source de tous ses maux, la presse quotidienne nationale, en fait les quelques titres de la presse parisienne, se trompe de cible. Largement.
Une remise en cause de son modèle aurait en effet plus d'impact : si le secteur réglait une fois pour toute le problème des coûts exorbitants de l'impression, de la distribution concentrée entre les mains d'un seul organisme qui bloque toute réforme, du prix des quotidiens, deux fois plus chers qu'ailleurs en Europe, peut-être que les journaux commenceraient à mieux se vendre...
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